Arrêté des comptes 30.06.2022
Les points d’attention pour l’examen limité dans le contexte géopolitique et économique actuel
Les circonstances particulières de cet arrêté résultent majoritairement du contexte géopolitique actuel, et en particulier, du conflit en Ukraine, qui constitue un évènement rarissime, dont on ne peut pas, à ce stade, identifier avec précision tous les effets, et dont l’évaluation des conséquences sur les comptes nécessite beaucoup du discernement tant de la part des assureurs que des commissaires aux comptes.
Instabilité des marchés financiers
Cette situation des marchés résulte aussi d’évolutions macroéconomiques de fond (diminution de la croissance, difficultés d‘approvisionnement, augmentation des taux, inflation, niveau des marchés financiers…) ayant des incidences plus ou moins marquées en fonction des différents secteurs. A ce titre, une attention particulière doit être portée sur les sujets suivants :
• Les marchés obligataires : la hausse des taux induit une baisse de la valeur de marché des obligations, qui peut peser sur la solvabilité, ou générer, sur les compagnies d’assurance vie, un risque de rachat massif ;
• Le Private Equity : contrairement aux autres indices, qui évoluent dans une fourchette contenue depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le Nasdaq affiche une baisse importante et continue. Des signes négatifs apparaissent aussi sur les fondamentaux d’entreprises emblématiques de la nouvelle technologie ;
• L’immobilier : certains secteurs de l’immobilier avaient déjà été fortement affectés par les crises successives récentes. La hausse récente des taux fait peser un risque complémentaire sur l’activité immobilière ;
• Les cryptomonnaies : dans la ligne des valeurs de technologie, les cours des principales cryptomonnaies ont subi une très importante décote au cours du 1 er trimestre 2022.
Hausse des taux d’intérêt, une menace pour l’assurance-vie ?
Selon les cas, cette hausse des taux pourrait entraîner soit un renforcement soit une dégradation du ratio de solvabilité S2, la gestion actif/passif se retrouvant au cœur de la stratégie d’adaptation des organismes d’assurance.
Avec une inflation qui pourrait atteindre les 7% en septembre, les assurances-vie, devraient afficher un rendement réel négatif, mais conservent toujours pour l’instant leur intérêt auprès des épargnants.
La Banque de France a d’ailleurs rappelé que les assureurs sont suffisamment solides pour encaisser un scénario dans lequel les épargnants en recherche de rendement retireraient l’argent déposé sur leur contrat d’assurance-vie.
Dans ce cadre, le commissaire aux comptes peut challenger les directions des sociétés d’assurance qu’il audite sur :
- L’évaluation des impacts potentiels de la hausse des taux sur les tests de dépréciation des goodwill,
- La revalorisation des PM de rentes,
- La constitution de provisions pour aléas financiers,
- La hausse des frais généraux en lien avec l’actualisation des taux de provision pour frais de gestion.
La prise en compte de l’inflation dans l’estimation des provisions
Dans ce contexte de « stagflation », l’approche « implicite » utilisée pour l’estimation des provisions risque de s’avérer insuffisante et nécessitera d’être complétée avec la prise en compte du facteur « inflation ».
Compte tenu du caractère potentiellement significatif des impacts de l’inflation et de la part de subjectivité des estimations des provisions techniques, le commissaire aux comptes pourra échanger utilement avec la direction des modalités de prise en compte du facteur inflationniste, des analyses conduites et du dispositif mis en place pour que les provisions atteignent un niveau cohérent avec les projections réalisées.
Conséquences de la guerre en Ukraine : quelles branches d’assurance sont impactées ?
• L’assurance du transport maritime
Le Joint Cargo Committee considère sans surprise la mer Noire et la mer d’Azov comme des zones de risques exceptionnels, pouvant entraîner la destruction et le pillage des cargaisons. De ce fait, des paiements de surprimes sont exigées pour les bateaux naviguant dans les eaux territoriales ukrainiennes et russes.
• L’assurance aviation
Les assureurs qui couvrent les avions sont exposées à plusieurs risques : sanctions liées aux interdictions de vol, recul des primes, suspension de l’assurance des vols à destination ou en provenance de la Russie, saisie par la Russie d’une importante flotte d’avions étrangers, demandes importantes d’indemnisation des loueurs d’avions…L’addition de ces risques peut entraîner des pertes potentielles importantes qui pousse les assureurs à résilier ces couvertures.
• L’assurance caution
Les flux d’échange étant à l’arrêt dans plusieurs zones du conflit et le débranchement de nombreuses banques russes du système SWIFT, peuvent générer des risques de défaut de paiement ou de non-livraison de certaines entités.
• L’assurance-crédit export
Destinée à se couvrir contre le risque commercial et politique, d’importantes conséquences financières sont à redouter pour tout entité ayant développé un flux d’affaires dans les régions affectées par la guerre. Pour se prémunir des conséquences, les assureurs crédit réduisent voire résilient actuellement leur couverture concernant les flux vers cette région.
• L’assurance des cyber-risques
Le conflit russo-ukrainien pourrait se transformer en cyber guerre touchant les administrations d’Etat, les institutions gouvernementales, les infrastructures critiques et les entreprises. Ces cyber-attaques sont susceptibles de générer des dommages matériels, des destructions de logiciels, de données, et paralyser ainsi certaines activités. Pour faire face à cet aléa, les assureurs généralisent les clauses restrictives d’assurance et procèdent à une revue de leurs actuels contrats d’assurance pour réduire les zones d’ombre.
• L’assurance des dommages aux biens ukrainiens pour les entreprises concernées.
D’une manière générale, les polices d’assurance dommages aux biens excluent les risques de guerre. Il ne devrait donc pas y avoir d’impact sauf à prouver pour l’assuré, lors d’un litige, que le dommage ne résulte pas des conséquences de la guerre (bombardements…).
Une augmentation du risque cyber
L’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) a émis des recommandations en la matière. Il est toujours bon de les rappeler :
• Renforcer l’authentification sur les systèmes d’information ;
• Accroître la supervision de sécurité ;
• Sauvegarder hors-ligne les données et les applications critiques ;
• Etablir une liste priorisée des services numériques critiques de l’entité ;
• S’assurer de l’existence d’un dispositif de gestion de crise adapté à une cyberattaque.
Dans le cadre de l’arrêté des comptes au 30 juin 2022, le commissaire aux comptes doit utilement s’informer auprès de la direction :
• De l’existence de cyberattaques au cours des derniers mois ;
• Des mesures prises pour faire face à ce risque grandissant.